PENIBILITE ET USURE PROFESSIONNELLE.COMMENT PREVENIR ?
Pénibilité et usure professionnelle. Comment prévenir ?
Prévention du stress et des RPS : 234 accords passés au crible
Suite à l'incitation mise en place en 2009 par le gouvernement, quelques 600 accords ou plans d’action ont été signés par les partenaires sociaux. Pour mieux comprendre l'état de la négociation et les pratiques des entreprises, un rapport analyse les accords conclus.
Rendu public quelques jours seulement après la publication d'une étude sur la mise en place d'indicateurs nationaux de suivi des RPS, un rapport analysant les accords signés dans les grandes entreprises a été remis mardi 19 avril à Xavier Bertrand.
Au total, 600 accords ou plans d’action ont déjà été engagés par les grandes entreprises dans le cadre du Plan d’urgence sur la prévention du stress. A partir des 234 accords signés - les plans d'action n'avaient pas à être déposés auprès des DIRECCTE -, la Direction Général du Travail (DGT) à pu réaliser une analyse des pratiques des entreprises.
Le document rappelle d'abord qu'une une majorité d’accords a été signée à l’unanimité des syndicats présents dans l’entreprise. Le périmètre de négociation concerne le plus souvent l’entreprise, puisque 71% des accords ont été négociés à ce niveau, tandis que 29% couvrent des structures complexes : groupes et unités économiques et sociales (UES).
Quatre accords sur cinq sont des accords de méthode. Ils décrivent de façon précise le rôle du comité de pilotage, les étapes et la construction de la démarche d’évaluation des risques, y compris parfois les premières actions à mettre en place, de telle sorte que la frontière avec les accords de fond est parfois ténue.
Un engagement des directions générales peu visible
Dans les préambules des accords analysés, 82% se réfèrent à l’accord national interprofessionnel (ANI) sur le stress au travail.
Cependant, force est de constater que rares sont les accords qui comportent un engagement précis de la direction ou précisent les modalités de son implication. Peu d’accords attestent dans leur préambule d’une volonté d’implication au niveau le plus haut des organes décisionnels sur la problématique des RPS, dans les étapes de mise en place du processus, de suivi et de prise de décisions opérationnelles.
Une majorité d’instances de pilotage « ad hoc »
65% des accords mettent en place une instance de pilotage, qui prend, 9 fois sur 10, la forme d’un groupe "ad hoc". Le plus souvent, le groupe est à la fois paritaire et pluridisciplinaire. Il se compose de représentants de l’employeur, de représentants du personnel et du médecin du travail. 40% d’entre eux bénéficient d’une formation sur le sujet.
5% des accords prévoient expressément l’information et la consultation des CHSCT et CE. Néanmoins le CHSCT est très rarement identifié comme l’instance de pilotage de la démarche (moins de 10% parmi les accords qui prévoient une instance de pilotage).
L’information et l'expression des salariés rarement évoquées
Seuls 24% des accords prévoient une forme de communication sur le contenu de l’accord. Cela ne préjuge pas de la façon dont l’information est effectivement mise en œuvre, mais les négociateurs n’ont pas fait de ce point un objet de négociation.
Un nombre très faible d’accords organise l’expression des salariés, en dépit d’un engagement fort de l’ANI : «donner à tous les acteurs de l’entreprise des possibilités d’échanger à propos de leur travail ». Certains accords ont repris ce propos mais, sans autres précisions. Il prend alors l’allure d’une simple formule.
Dans la phase de pré-diagnostic, des indicateurs sont identifiés dans 49% des accords (76% des accords de fond). Les indicateurs retenus sont des indicateurs de fonctionnement (84%) et des indicateurs de santé (75%), là encore différents de ceux proposés dans l’ANI sur le stress au travail.
Les facteurs de RPS identifiés
Seulement 44% des accords (67% des accords de fond) identifient des facteurs de RPS. Parmi eux, 28% correspondent aux quatre familles de facteurs énumérés dans l’ANI sur le stress au travail. Les quatre facteurs de RPS identifiés prioritairement par les accords sont :
- les exigences organisationnelles du travail, telles que l’équilibre entre vie privée et professionnelle ;
- la charge de travail ou la pression en termes de délais (65%), les relations de travail (61%) ;
- les exigences émotionnelles telles que l’accueil du public ou la gestion des incivilités (50%) ;
- l’accompagnement du changement (49%).
Des axes d’actions identifiés en matière de formation et d'organisation
Des axes d’actions sont bien mis en évidence dans les accords de fond, mais les dispositions concrètes et visibles ne seront décidées, à l’exception de quelques actions immédiates, qu’à l’issue de l’étape de diagnostic. Aucun accord ne contient de programme d’actions de prévention des RPS finalisé.
Parmi les programmes d’actions formalisés dans les 45 accords de fond, les mesures identifiées portent prioritairement sur la formation des personnels d’encadrement (87%). Mais les clauses des accords posent plus un principe de formation qu’ils n’en fixent un contenu précis. Et aucun accord ne prévoit de formations spécifiques aux dirigeants.
Lorsque des précisions sont apportées sur le contenu des formations, elles sont cohérentes avec l’importance donnée dans les axes prioritairement retenus à la mise en place de procédures d’alerte (62%), mais aussi aux relations de travail et la conduite de l’entretien d’évaluation (62%) ou encore la mise en place d’une cellule d’écoute psychologique (40%).
Sans être systématiquement identifiées (60% des accords de fond), les actions touchant à l’organisation du travail (la charge de travail, l’organisation du temps de travail, le contact avec les usagers, etc.) sont néanmoins listées comme étant des axes qui devront faire l’objet d’une analyse dans la construction du programme d’actions : 35% abordent le manque d’autonomie et de marge de manœuvre, 40% la question de l’équilibre vie privée/vie professionnelle. Toutefois, quasiment aucun accord n’identifie l’impact des NTIC comme un axe de travail possible pour maitriser leur juste place dans la sphère professionnelle et éviter l’empiètement croissant sur l’espace privé.
Un suivi peu précis
Les modalités de suivi de l’accord et du programme d’actions ne sont pas toujours coordonnées ni prévues dans la durée. Seuls 40% des accords en parlent, mais sans aborder concrètement l’évaluation des actions conduites autrement que part la mise en place d’observatoires de la santé ou du stress (19% des accords dont 31% des accords de fond).
En conclusion, la DGT rappelle que le plan d’urgence a permis, tant du côté des responsables RH que de celui des organisations syndicales, d’aborder sous un angle collectif la problématique des RPS, et d'engager un processus de négociation qui nécessite un délai de l’ordre de 12 à 24 mois. Le ministère signale également que la discussion sur les RPS ouvre un type de négociation particulier, tenant à la nature même du sujet traité : l’objet de la négociation n’est pas tant d’ouvrir des droits nouveaux que d’interroger, par la nature et la complexité du sujet, les acteurs sur une méthodologie favorisant à la fois la compréhension du risque, et la construction des étapes de nature à le prévenir.
Jugeant ce premier bilan encourageant, le ministre a demandé au directeur général du travail d’écrire à toutes les entreprises de plus de 1000 salariés qui n’ont pas à ce jour engagé de plan d’action ou de négociation pour leur demander de le faire, et de mobiliser les commissions mixtes paritaires afin de dynamiser la négociation de branche pour mieux accompagner les PME.
Télécharger la synthèse | Site du ministère |Repères ANACT pour la négociation d'un accord RPS | Dossier RPS d'anact.fr |
Repères méthodologiques
L’analyse présentée porte sur les accords collectés par la cellule RPS de la DGT entre le 1er décembre 2009 et le 30 octobre 2010. Une grille a été élaborée par la DGT, en collaboration avec l’ANACT, l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), l’Inspection médicale du travail et de la main d’œuvre (IMTMO) et le secrétariat général du comité permanent du COCT, afin de fournir un cadre d’analyse des accords signés.